Comme les Indiens et leurs signaux de fumée, le blanchisseur chinois et le Mexicain endormi font partie de ces personnages stéréotypés dont regorge l'univers de Lucky Luke. Dans ce dernier épisode, Jul porte son attention sur cette galerie de portraits hauts en couleur qui a amusé des générations d'enfants mais qui cache souvent une histoire dramatique. Prenant la route du Sud, l'apprenti cow-boy descend le Mississippi, visite champs de coton et anciennes plantations, découvre la richesse culturelle cajun mais aussi la survivance du racisme... Les ombres du Far West Dans les rayons d'un magasin de vetements, Jul examine d'interminables rangées de bottes et de chapeaux, avant de remonter le temps aux côtés d'une descendante de pionniers, entre les murs d'une vieille école plantée dans la plaine de Cheyenne River. De fait, du comptoir d'un bar aux airs de saloon aux paysages de Monument Valley, on dirait que rien n'a changé depuis la conquete de l'Ouest. C'est la réalité d'une certaine Amérique, blanche, rurale et fiere de sa culture : joueurs de poker, champions de rodéo, shérifs plus ou moins débonnaires et old timers vissés a leur fauteuil, le colt a la ceinture... : au fil des trois épisodes de cette série documentaire, Jul joue les candides et part de cette image apparemment immuable pour en dévoiler peu a peu les nuances. Il se mue alors en observateur attentif, pointant - sans donner de leçon - les ombres que l'histoire officielle et la culture populaire ont voulu effacer, notamment celles du génocide et de l'esclavage. Cette mise en regard constante de la légende avec la réalité fait toute la saveur de ce voyage aussi malicieux qu'instructif. Sur le rythme entraînant de la musique de Keren Ann, le dessinateur réussit a marier l'hommage et l'analyse, entre extraits de bande dessinée, rencontres détonantes et paysages a couper le souffle.